Regarder les
tableaux de l’artiste OtGO, c’est plonger dans le monde transcendant de
ce dernier. C’est entendre des sons de tambours, des notes de piano ou
d’orgue qui, surgissant de nulle part, viennent envahir nos oreilles.
C’est voir qu’au-delà des couleurs vives se cachent des sujets
d’actualité brûlants. C’est percevoir enfin l’infinie richesse présente
dans chaque recoin, chaque détail de ses œuvres. Alors, je vous invite
à tendre l’oreille et à ouvrir votre cœur, car le travail d’OtGO mérite
avant tout d’être ressenti et non simplement regardé.
De loin, le Triptych The World Beyond (13,14 & 15) est une
combinaison de formes diverses où les couleurs les plus chatoyantes se
sont donné rendez-vous. Les formes oranges, présentes sur les tableaux 13 et 14 semblent danser tels des feux-follets. Plus notre œil les
regarde et plus ces derniers nous semblent vivants et capables de se
déplacer tout en nous réchauffant de leur flamme. Leur danse, sans fin,
nous entraîne dans leur sillage. Lorsque l’on s’approche un peu plus,
les premières feuilles commencent à apparaître et nous voilà plongés au
cœur même d’une forêt où la faune et la flore se côtoient et se mêlent
joyeusement.
Sur la toile The World Beyond 15, un arbre gigantesque accueille êtres
humains et animaux. Sous nos yeux, ce dernier prend rapidement la forme
d’un arbre généalogique et fait alors référence à l’idée selon laquelle
le monde ainsi que tous les êtres qui le peuplent font partie d'un
Tout. Ils sont ainsi tous reliés les uns aux autres et suivent les
mêmes rythmes et les mêmes lois. Les liens que ces différents êtres ont
pu nouer entre eux sont forts : plusieurs femmes tiennent des lapereaux
dans leurs bras en plus de leurs enfants et des bébés singes
s'accrochent aux épaules des femmes. Les frontières les séparant jadis,
n’existent plus ici.
Pourtant, les
feuilles finissent par s’écarter en nous laissant entrevoir une réalité
bien différente, à l'image d’un monde devenu absurde. Il n’est alors
plus question de liberté ou de joie. Nos yeux doivent maintenant faire
face à la détresse des êtres que nous avons devant nous. En un
claquement de doigts, les toiles délivrent un tout autre message et nos
émotions changent du tout au tout. Les barreaux des prisons
apparaissent alors à nous et l’attitude calme des êtres se transforme
en une attitude d’attente. Ils nous fixent en nous implorant de leur
porter secours et de les délivrer. Dans les toiles d’OtGO, celui qui
regarde est toujours relié aux peintures : les personnages scrutent
toujours le regard de ce dernier, le plaçant ainsi non pas en tant
qu’observateur ou simple témoin, mais en tant qu’acteur. Il devient une
part indirecte du tableau et à ce qui s’y déroule. De par cette
situation, il devient responsable de ce que ses yeux ont touché.
Regardé différemment, The World Beyond 15
prend la forme d’une vieille photographie de famille avant que la
guerre ou les tragédies ne fassent basculer définitivement la vie de
ceux qui y sont représentés. Ou à l’inverse, peut-être, est-ce une
représentation de la population laissée à l’abandon, après les guerres
et les ravages, et attendant leur salut, dans les décombres.
Comme souvent, beaucoup de différents animaux sont représentés sur le
triptyque : divers primates et félins, lapins, pieuvres et zèbres.
N’ayant aucun moyen de changer leur situation, les êtres attendent leur
sentence. Vont-ils vivre ou sont-ils condamnés à l’enfermement et à la
promiscuité ? Ces tableaux sont comme des pièces de monnaie à double
face : d’un côté, elles reflètent l’harmonie entre tous les êtres
vivants et d’un autre côté, elles alertent sur la promiscuité imposée à
ces mêmes êtres, la disparition de territoires naturels ainsi que
d’espèces animales. La peur et l’incrédulité se lisent dans les yeux
des prisonniers, aussi bien chez un puma caché dans les feuilles,
complètement désemparé, que chez les êtres humains qui commencent à
disparaître à petit feu, devenant pratiquement invisibles. Encore une
seconde et ils ne seront plus.
Personne n’est épargné. À part certains singes noirs, au rire toujours
narquois, et qui ne semblent nullement impactés par la gravité de la
situation. Ils sont même amusés par le drame qui se déroule devant eux
comme si le risque n’existait pas, comme si tout cela n’était qu’une
simple partie d’échecs. Pour tous les autres, le danger est bien réel.
Et pour preuve, des viseurs sont pointés sur des singes, lapins et
panthères. La traque a déjà commencé. Quant aux êtres humains, quand
certains ont le corps qui se fond complètement dans la toile, les
rendant à peine perceptibles, d’autres ont des feuilles qui les
recouvrent, leur faisant ainsi perdre leur identité. Ils deviennent
comme tout le monde et donc comme personne.
Outre leur lente disparition, le symbole du nucléaire apparaît
discrètement sur la toile numéro 15, sous forme de pieuvre.
L’utilisation de ce céphalopode comme représentation de l’arme
nucléaire se justifie par le fait qu’il est très flexible, doté d’une
grande intelligence et capable de s’adapter rapidement à différentes
situations en changeant par exemple de couleur. En s’arrêtant plus
longuement sur cette dernière toile, les branches de l’arbre prennent
peu à peu la forme de ruisseaux de sang. Cet effet est d’ailleurs
amplifié par la présence des viseurs qui vont venir abattre les
animaux, voir les êtres humains par la suite. Aucun tireur n’est
visible. Leur funeste mission sera accomplie sans états d’âme, de
manière froide et calculée. Peut-être que nous sommes ces tireurs, qui
indirectement, participent à la destruction de notre planète.
En ce qui concerne les toiles 13 et 14,
la présence massive de la couleur orange nous pousse à nous demander si
cette dernière n’est pas, elle aussi, symbole de désolation, une
désolation qui prend la forme de flammes venues s’abattre sur les âmes
encore vivantes. Le feu envahit petit à petit tout l’espace, détruisant
les vies humaines, animales et végétales.
En guise de signature, OtGO a choisi d’apposer directement sa main sur
le triptyque, laissant une partie de lui-même sur l’œuvre et créant par
la même occasion un lien presque spirituel avec cette dernière.
En fin de compte, ces trois œuvres sont telles des déchirures qui
laissent passer la lumière de la vérité. Pour autant, mon
interprétation de ce triptyque est personnelle. Lorsque, Cher Lecteur,
vous arriverez à la fin de cet écrit, ne suivez pas à la lettre mes
mots, mais laissez plutôt votre imagination vous guider. Suivez votre
propre intuition et votre propre sensibilité. Racontez votre propre
histoire. Le monde de l’art permet une grande liberté et invite au
voyage. Je vous souhaite donc d’avoir toujours le courage d’embarquer.